Léon Hermance Les cent amours de D'Artagnan
Paris, Fayard et Cie, editeurs, 1936, 260 p.
Tout comme Les cent duels, Les cent amours de d’Artagnan se situe entre Les trois mousquetaires et Vingt ans après. Là, nous sommes à la fin du «règne» de Richelieu, pendant la montée en faveur de Cinq-Mars et ses complots pour renverser le cardinal.
L’intrigue tourne autour de Lyonna, fille de Concini, le maréchal d’Ancre, et seule héritière de son immense fortune. Cette dernière est convoitée d’une part par Richelieu qui veut faire disparaître la jeune fille, et d’autre part par les jésuites, en la personne d’Aramis, qui prennent la défense de Lyonna pour lui faire épouser un mari de leur choix et à leur dévotion.
C’est dans ce contexte qu’intervient d’Artagnan. Celui-ci traverse alors un passage à vide. Il s’ennuie ferme, n’a plus ses amis d’autrefois, végète dans ses fonctions de mousquetaire. Mais une diseuse de bonne aventure, Maguelon, lui prédit qu’il va connaître une nouvelle vie, et que c’est l’amour des femmes qui le guidera désormais.
Aramis demande à d’Artagnan de prendre Lyonna sous sa protection. Les deux jeunes gens tombent immédiatement amoureux, tout en réalisant que cet amour ne pourra déboucher sur rien, tant leurs positions sociales sont éloignées.
Pendant l’essentiel du roman, d’Artagnan évolue dons au milieu des intrigues compliquées de la cour de Louis XIII, de Richelieu et des jésuites, en s’efforçant de protéger sa belle. Mais conformément à la prédiction de la bohémienne, son chemin croise celui de nombreuses autres femmes, dont il profite joyeusement.
Il y a par exemple la délicieuse Muguette Dulaurier, que d’Artagnan sauve d’une agression nocturne, et qui tombe folle amoureuse de lui. Epouse d’un horrible boutiquier, marchand de gants, Muguette est la «reproduction» fidèle de Constance Bonacieux, au point que d’Artagnan lui-même fait le parallèle.
Il y a Esméralda, une bohémienne au tempérament de feu, qui se laisse dompter par le beau mousquetaire. Il y a aussi Marion Delorme, active dans les conspirations contre Richelieu et qui, dans un voyage en tête-à-tête dans son carrosse, «arrache son corsage» et serre d’Artagnan contre elle, si bien que «le voyage passa comme un rêve».
Il y a aussi des soubrettes et autres femmes de rencontre, sans que le total monte à cent, tout de même… On croit pourtant, vers la fin du roman, que d’Artagnan va faire un pas-de-géant vers le chiffre magique. Dans une scène assez surréaliste, le mousquetaire pénètre dans le couvent de Béthune, là même où est enterrée Constance Bonacieux, où cinquante religieuses sont encerclées par l’armée espagnole. Les saintes femmes tombent toutes immédiatement amoureuses de lui et se transforment en guerrières pour assurer, sous ses ordres, la défense des lieux. Mais il n’est tout de même pas suggéré que d’Artagnan accorde ses faveurs à l’ensemble du couvent!
A la fin du roman, Aramis – soulignons que ni Athos ni Porthos n’apparaissent dans le livre, mais que Cyrano de Bergerac intervient à plusieurs reprises comme compagnon de d’Artagnan – «récupère» l’héritière et la marie à son gré, non sans que celle-ci ne se soit donnée d’abord à d’Artagnan. Cinq-Mars est exécuté, Richelieu meurt, d’Artagnan est prêt pour de nouvelles aventures.
Tout comme Les cent duels de d’Artagnan, ce roman souffre d’une intrigue compliquée et d’une écriture confuse. Les complots autour de Richelieu ont été lus trente-six fois ailleurs et n’innovent en rien. La seule originalité du livre, qui le rend – un peu – amusant tient bien sûr à la place accordée aux femmes. De la servante de cabaret à la mère supérieure de couvent, de la bohémienne à la richissime héritière, toutes sont prises de passion à la seule vue de d’Artagnan. Et celui-ci a beau professer un amour absolu pour Lyonna, il se dépense sans compter pour ne pas décevoir ses admiratrices.
Moyennant quoi, ayant trouvé la rédemption par l’amour, d’Artagnan termine le roman beaucoup moins déprimé qu’il ne l’avait commencé!