DUMAS père (Alexandre) Manuscrit autographe signé intitulé «Le Prince Napoléon»
DUMAS père (Alexandre). Manuscrit autographe signé intitulé «Le Prince Napoléon». [Mai 1862]. 5 . in-folio, signature bi ée , traduction anglaise jointe , le tout placé sous portefeuille à dos à nerfs de demi-chagrin brun
1° Interno
Le Prince Napoléon.
Le prince Napoléon Jérôme est aujourd’hui un homme de 38 à 39 ans.
C’est De toute la famille Napoléon, celui dont le type se rapprochent le plus de celui du 1er empereur.
Vue de côté surtout la tête est très belle, et a tous les caractères d’une médaille antique.
Vus de face, les yeux sont beaux, profonds, pleins d’éclairs.
Le prince Napoléon est le fils de Jérôme Bonaparte, l’ancien roi de Westphalie, le seul qui soit accouru répondu en 1815 à l’appel de l’Empereur. Il lui donna tout ce qu’il possédait son épée et sa fortune.
14 millions furent versés par lui dans les caisses du Trésor. C’était tout ce qui lui rapportait de ses épargnes royales.
À Vaterloo, chargé de se rendre maître du domaine d’Hougoumont, il se battit comme un simple soldat et reçut une blessure légère.
Une seconde blessure eût, probablement, été mortelle, si la balle ne se fût applatie sur la poignée de son épée.
En 1842, le prince Napoléon, élevé chez son oncle, le roi de Wurtemberg, donna sa démission au moment où la guerre de Syrie fit croire à une coalition contre la France.
Il se rappellait qu’il était prince français avant tout.
Il revint près de son père à Florence, ce fut là qu’il acheva son éducation.
Cette éducation fut celle de l’exil, sérieuse, intelligente, humanitaire.
Le prince Napoléon sait beaucoup d’autant mieux que ce qu’il sait ne lui a pas été montré, mais a été appris.
Quelque tems avant 1848, il rentra en France et après avoir de loin étudié les choses il étudia de près, les hommes.
Sa nature possède une grande puissance d’assimilation : l déteste le mensonge, pousse la franchise parfois jusqu’à la brutalité.
Son horreur pour tout ce qui est agiotage et spéculation est devenue proverbiale en France.
Pour qu'il vous tende la main, il faut avoir soi-même les mains nettes.
Lors de la Révolution de 1848 - il fut représentant du peuple. - de là datent ses liaisons avec tout ce qui fut, et demeura honorable dans l’opposition.
Devenu prince impérial le prince Napoléon ne fut le centre d’aucune camarilla.
Ses amis politiques furent : Girardin et Bixio.
Ses amis littéraires et artistiques, tout ce qu’il y eut de distingué dans les lettres et dans les arts.
Il a fait deux grands voyages auxquels on s’est efforcé de donner des significations qu’ils n’avaient pas.
L’un au pôle Nord, voyage scientifique et dont il a apporté un musée curieux qui fut exposé au Palais-Royal.
L’autre en Amérique, voyage social et humanitaire et dont il n’avait rien à rapporter, ses idées démocratiques étant au moins, aussi avancées que celles des Américains.
Appelé au Sénat, il y a pris en toute circonstance la défense de l’Italie - et dans deux splendides discours a révélé une éloquence et une force de raisonnement qu’on ne lui connaissait pas.
Aujourd’hui le prince Napoléon vient à Naples sans aucun intérêt personnel. Nous pourrions l’affirmer, si cette affirmation n’avait pas l’air de vouloir prétendre à une intimité que nous n’avons pas.
Mais nous ne dirons pas non plus qu’il soit attiré par une simple […] de famille.
Non la question de Naples est trop importante, et trop compliquée - le prince Napoléon est un personnage trop considérable dans le monde pour qu’il fasse un voyage, dicté par de simples devoirs de gendre à beau-père.
Le prince Napoléon vient voir Naples de ses yeux, et la juger avec son esprit.
De retour en France nous sommes parfaitement sûr que son voyage ne sera pas perdu pour les / Napolitains /Italiens.
Comme tous les hommes supérieurs, et qui ne craignent pas d’être effacés par leur entourage, la Maison du prince se compose d’hommes éminament intelligents. Ses aides de camp sont non seulement des hommes de guerre, mais des hommes de lettres et de sciences.
Tous les amis d’Italie désiraient depuis longtems que le prince Napoléon fît un voyage à Naples.
Leur désir est réalisé.
Alex Dumas *
« Il principe Napoleone », L’Indipendente, Anno III, n. 100, 4 mai 1863.
* Sur l’autographe, la signature est barrée : dans l’imprimé italien l’article n’est pas signé.